Les «thérapies de conversion», un problème pour la recherche et le droit

Avant le colloque lausannois, une table ronde de l’Antenne LGBTI de Genève soulevait déjà le problème de ces «thérapies» en novembre 2022. / © Alain Grosclaude
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Avant le colloque lausannois, une table ronde de l’Antenne LGBTI de Genève soulevait déjà le problème de ces «thérapies» en novembre 2022.
© Alain Grosclaude

Les «thérapies de conversion», un problème pour la recherche et le droit

Discrimination
Alors que plusieurs cantons suisses et pays européens légifèrent sur les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle, la recherche essaie de les définir. Un colloque a fait le point à Lausanne.

Venus de Suisse surtout, mais aussi de France et de Belgique, des sociologues, juristes, historiens et des acteurs des administrations publiques se sont réunis le 7 mai dernier à l’UNIL pour tenter de définir le phénomène des pratiques qui prétendent modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne. Le Centre intercantonal d’information sur les croyances (CIC) a aussi donné les premiers résultats d’une enquête commencée en septembre 2023. «Les thérapies de conversion se transforment en problème politique en Suisse, et même en problème pénal dans certains cantons», a expliqué Philippe Gonzalez, sociologue à l’Université de Lausanne et coorganisateur du colloque. «Mais il est regrettable que les débats aient précédé les enquêtes de terrain.»

Image de soi

Les termes ‹thérapie de conversion› posent problème, selon Philippe Gilbert, responsable du projet au CIC. «On se réfère à des exemples américains (par exemple des centres où sont pratiquées des thérapies violentes, NDLR) ou à des programmes structurés comme celui des Torrents de vie, mouvement évangélique né aux Etats-Unis. Or, ces programmes n’existent plus. Il n’y a pas non plus d’acteurs religieux qui prétendent soumettre des patients à des thérapies de conversion.» 

Le CIC a ainsi étudié de nombreuses communautés religieuses entre Vaud et Genève, chrétiennes, musulmanes, mais aussi issues des nouvelles spiritualités. «C’est l’addition de plusieurs indicateurs au sein d’une même structure qui nous pousse à investiguer», a poursuivi le sociologue. Ils peuvent être narratifs «au niveau de l’identité, la sexualité et la guérison. On a noté toute une série de termes récurrents, du style ‹identité en Christ›, ‹nature profonde›, ‹abstinence›, ‹péché›, ‹guérison intérieure› ou ‹restauration›». Les indicateurs peuvent aussi se situer «au niveau des pratiques, comme la prière, l’accompagnement et les exorcismes». L’historien français Anthony Favier a insisté sur le fait que les «thérapies de conversion» relevaient d’un continuum. «Il s’agit de l’aboutissement d’un processus graduel: un individu entre rarement d’un seul coup dans une démarche pour changer. Il en vient d’abord à avoir une image dysfonctionnelle de lui-même.»

Légiférer pour soutenir les victimes

En Suisse, les cantons ont choisi différentes manières de légiférer. Neuchâtel a fait entrer l’interdiction des thérapies de conversion dans son Code pénal cantonal, tandis que Vaud et Valais les ont inscrites dans leur loi sur la santé publique. «Le gouvernement a voulu tracer une ligne claire et envoyer un message de soutien aux victimes. Cela engage les autorités à s’assurer que les citoyens soient bien informés», a précisé Hugues Balthasar, responsable de mission à l’Office du médecin cantonal vaudois et rédacteur du projet de loi. Le Grand Conseil vaudois a accepté cette loi à une très large majorité en octobre 2024.

Et dans l’EERV? 

Y a-t-il des pratiques visant à modifier l’identité de genre chez les réformés vaudois? Andrea Coduri, responsable de l’Eglise inclusive, rapporte qu’une série de «personnes sont venues se confier sur leurs difficultés et expériences au sein de plusieurs Eglises». Iel rappelle que «l’EERV est en train de prendre conscience de la nécessité d’inclure dans les formations une introduction à la diversité et au respect des minorités». Andrea Coduri a mis sur pied un groupe de travail composé de représentants catholiques, de VoQueer et du CIC après l’acceptation de la loi vaudoise interdisant les thérapies de conversion «afin d’explorer la manière d’informer les personnes travaillant pour nos Eglises et au-delà».